Repères
biographiques
par
Lucien Chovet
1807
20 avril : naissance de Jacques Louis Napoléon
Bertrand à Ceva, territoire italien occupé par la
France.
1815
La famille de Bertrand s'installe à Dijon.
1826
Bertrand est admis à la
Société d'études dans sa ville
d'adoption : il aura l'occasion d'y donner lecture de nombreux textes,
à caractère littéraire ou historique.
Il compose Scène indoustane,
son premier poème en prose connu.
1828
Période du Provincial
- 1er mai : premier numéro du Provincial,
où Bertrand fera paraître des textes en tout genre
: poèmes en vers et en prose, chroniques, essais,
échos divers.
- 12 septembre : publication dans Le Provincial
de 3
poèmes en prose à titre d'échantillons
d'un "recueil de compositions du même genre que l'auteur se
propose de publier très prochainement, sous le titre
de Bambochades
romantiques (Le Provincial, p. 212).
- 30 septembre : dernier numéro du Provincial.
Premier séjour parisien
- Novembre : départ pour Paris, avec le
manuscrit
des Bambochades prêt ou pratiquement
prêt pour
l'impression. Bertrand est reçu chez Victor Hugo, Emile
Deschamps et Charles Nodier (les 3 dédicataires des Bambochades romantiques
publiées dans Le Provincial). A une
époque où les relations sociales sont
très codées et contraignantes, il y
apparaît comme "un échappé de province"
(Victor Pavie). Hugo et Sainte-Beuve se montrent sensibles à
ses productions.
1829
Première tentative de
publication
- Janvier : selon Charles Brugnot,
"Sautelet imprime les Bambochades au nombre de 40,
ce qui fera un vol.
dit-il [Bertrand] de
200 pages et plus avec notes et préfaces. Il m'en envoie
deux, l'un dédié [sic] à sa
mère, l'autre à moi" (OC, p. 851: voir
aussi p.
856, mais certaines interprétations de l'éditrice
sont manifestement à revoir). Les 2 textes auxquels il est
fait allusion sont La Chaumière (version
antérieure à celle de Gaspard de la Nuit)
et Les
Sylphes (pièce perdue). Le second état
connu du recueil
(manuscrit de Gaspard de la Nuit de 1836)
comportera 53
pièces et 2 préfaces : malheureusement, c'est
à peu près le seul élément
de comparaison possible entre les 2 états de l'ouvrage. Nous
ne connaissons de source sûre que 3 des 40 Bambochades,
celles du Provincial.
- Juillet : Sautelet fait faillite, le
manuscrit des Bambochades est placé sous
séquestre.
1830
Nouvelle période dijonnaise
- Avril : retour de Bertrand à
Dijon.
- De mai à décembre :
plusieurs textes
de Bertrand paraissent dans Le Spectateur.
- Adhésion enthousiaste
à la
révolution des Trois Glorieuses (27-29 juillet 1830).
1831
- Février : les positions
politiques de Bertrand
se radicalisent. Il quitte la rédaction du Spectateur,
trop
modéré à son goût, et
devient rédacteur en chef d'une nouvelle publication, Le
Patriote de la Côte-d'Or. Articles virulents,
manifestations
et polémiques se succèdent. Lors du premier
soulèvement des canuts lyonnais, les républicains
dijonnais sont empêchés de former des compagnies
de volontaires pour se rendre à Lyon.
1832
Poursuite des activités
politiques de Bertrand. Les
militants républicains s'émeuvent du
soulèvement désespéré de
Varsovie contre le tsar, ainsi que de la répression
sanglante à l'encontre des leurs au cloître
Saint-Merry à Paris (5 et 6 juin). Le ton vindicatif des
articles de Bertrand ne faiblit pas pour autant : dans une adresse au
gérant du Spectateur (le 6
août), il s'en prend
aux "Cafards de la Peur", traite le journal de "singe du juste milieu"
(partisan de la monarchie de Juillet) et se revendique
"prolétaire". Il se bat en duel avec un des
rédacteurs-propriétaires du journal. En retour,
on le traite de "bousingot" (OC,
p. 763) : le mot désignait
à l'époque les révolutionnaires
républicains, sans les connotations littéraires
dont il est affecté désormais.
Au cours de cette période et jusqu'en 1834, il signe ses
courriers et se fait appeler par des tiers "Ludovic Bertrand".
1833
Second séjour parisien
- Janvier : Bertrand quitte à
nouveau Dijon pour
Paris, où sa mère et sa sœur vont
bientôt le rejoindre. Ce second séjour sera
définitif. Très rapidement, l'éditeur
le plus en vue du romantisme (notamment de Nodier, Hugo et Hoffmann),
Eugène Renduel, inscrit à son catalogue Caspard
de la Nuit, nouveau titre du recueil de Bambochades, par
"Louis
Bertrand" (catalogue annexé à La Vie de E. T. A.
Hoffmann, signalé par Fernand Rude ; voir aussi
le catalogue
annexé au Balcon
de l'Opéra de Joseph d'Ortigue).
- Fin 1833 ou plutôt en 1834
selon Sprietsma,
Bertrand forme le projet d'un recueil de vers, La Volupté,
signé "L. Bertrand". Deux listes, respectivement de 26 et 20
textes, sont conservées. Les poèmes sont
classés en deux parties, mais il s'agit plus d'un
aide-mémoire que d'un plan. Le recueil demeurera
à l'état de chantier, les poésies
écrites ultérieurement ne s'inscrivant plus dans
ce cadre.
1834
Les catalogues d'Eugène Renduel
mentionnent
à nouveau comme sous presse Gaspard de la Nuit
par "Louis
Bertrand" (forme nouvelle du titre, voir notamment les catalogues
annexés aux Intimes
de Michel Raymond et aux Etudes
sur la
science sociale de Jules Le chevalier, liste non
exhaustive).
S'il
arrive à Bertrand de signer "Ludovic Bertrand" certains de
ces textes (c'est le cas pour 4 publications en revue, de 1831
à 1833), en revanche, toutes les annonces de son
œuvre maîtresse font invariablement
apparaître son vrai prénom.
Correspondance amoureuse avec une certaine Célestine, qu'il
signe "Ludovic".
1835
- Bertrand rédige une page de
titre pour son
recueil, datée de 1835 : "Fantaisies à la
manière de Rembrandt et de Callot par Caspard
de la Nuit"
(fac-similé, OC, p. 581: la lecture "Caspard" est probable,
sans être absolument certaine).
1836
Remise du manuscrit à Renduel
- Mai : David d'Angers écrit
à Victor
Pavie qu'il a vu Bertrand. Il l'informe que Renduel a remis la
publication du recueil à plus tard, la saison
n'étant pas bonne.
- Bertrand fait figurer l'adresse de
Renduel sur un dessin
daté de 1836, représentant un personnage qu'il
identifie à Maribas, figure de Départ pour le
sabbat, dans un autre dessin signé "Ludovic
Bertrand"
(reproductions in OC,
p. 564-5).
- Projet de contrat avec Renduel :
l'ouvrage de Bertrand
serait publié à 800 exemplaires, dont 500 sous le
titre Gaspard de la Nuit
et 300 sous le titre Keepsake
fantastique.
- Bertrand date du 20 septembre le
poème
dédicatoire initial à Victor Hugo, il redate de
la même façon le poème
dédicatoire final à Charles Nodier. La page de
titre du manuscrit connaît une nouvelle rédaction
: "Gaspard de la Nuit.
Fantaisies à la manière de
Rembrandt et de Callot par Louis Bertrand". Bertrand est
désormais dessaisi de son manuscrit. Ce qu'il est convenu
d'appeler les Pièces
détachées sont,
pour partie, des pièces écartées du
recueil, pour une autre partie, des pièces
postérieures.
1837
- Le directeur du
Théâtre de la Porte
Saint-Martin refuse le drame-ballade Daniel.
- Une version de Ma
Chaumière
paraît
dans le keepsake Couronne
littéraire, signée
"Bertrand (Aloysius) de Dijon" (signalée par J.-L.
Steinmetz). C'est la première apparition de cette nouvelle
déclinaison du prénom Louis, et c'est la seule
qui soit associée publiquement à un texte de
Bertrand.
- 18 septembre : Bertrand écrit
à David
d'Angers que son Gaspard
de la Nuit "attend le bon vouloir
d'Eugène Renduel pour paraître enfin cet automne."
- 4 octobre : Antoine de Latour incite
Bertrand à
plus de prudence : "Je me disais aussi que ton livre allait
paraître dans un moment de réaction et que par
cette raison, il fallait prendre doublement garde aux
témérités du fond et de la forme" (OC,
p. 902-3).
1838
Les années d'hôpital
- Janvier : l'orientaliste
Théodore Pavie propose
à David d'Angers l'impression du recueil par son
frère Victor Pavie, Renduel ne voulant plus se charger du
livre.
- Septembre : Bertrand, qui souffre de
phtisie, entre
à l'hôpital Notre-Dame de la Pitié sous
le nom de "Bertrand, Jacques Aloysius" (OC, p. 65).
- Il date de 1838 une des versions du
poème
dédicatoire à David d'Angers, une autre version
est datée de 1839 : si Bertrand avait survécu et
avait pu remanier son recueil, ce texte se serait-il
substitué à celui-là même
qui est dédié à Nodier ?
1839
Un dessin, daté de 1839, est
signé "AL.s
B.D" (reproduit par Jules Marsan, Bohême
romantique, 1929).
Bertrand entre à l'hôpital Saint-Antoine sous le
nom de "Jacques-Ludovic Bertrand, étudiant" (OC, p. 66).
C'est la dernière apparition connue du pseudonyme "Ludovic".
1840
- Bertrand signe un des 2 manuscrits d'Une
autre vie (vers
faits dans un cimetière) "Aloysius Bertrand". Le Lac est
signé "Aloyss. Bertrd". Les 2 manuscrits du Démon
de la Forêt-Noire sont signés, l'un
"Aloyss.
Bertrd", l'autre "Aloysius Bertrand". Enfin, 2 dessins,
également datés de 1840, sont signés
"Aloysius Bertrand" (collection Buffetaud, OC, p. 580). Le
relevé ci-dessus des occurrences du pseudonyme "Aloysius"
est, à dessein, exhaustif : si son emploi se concentre sur
les dernières années, d'un autre
côté il est nettement moins fréquent
que "Ludovic" et, contrairement à ce dernier, n'est jamais
employé par de tierces personnes ; enfin, il n'est jamais
associé aux grandes œuvres de Bertrand.
- Bertrand date du 5 octobre le sonnet A
Monsieur
Eugène Renduel, invitant l'éditeur
(qui a en
fait abandonné la profession) à tenir ses
engagements : le recueil est en effet annoncé depuis
1833…
1841
- 11 mars : Bertrand entre à
l'hôpital
Necker sous le nom de "Jacob Louis Napoléon Bertrand,
étudiant" (OC,
p. 67). "Jacob" est la troisième
déclinaison des prénoms de Bertrand.
- 20 mars : Sainte-Beuve plaide la cause de
Bertrand
auprès de Renduel : "David, le statuaire, qui
s'intéresse à lui, voudrait ravoir le manuscrit"
pour publication par Victor Pavie à Angers (OC, p. 906).
- Mars et avril : importante correspondance
avec David
d'Angers, signée "L. Bertrand". La dernière
lettre, à un mois de la mort, a valeur testamentaire : "Je
suis dans une crise que je crois la dernière" ; il se plaint
des changements dans son manuscrit que lui imposait Renduel, mais
s'abstient de commenter les retranchements que demande le nouvel
éditeur, Victor Pavie : le rapprochement n'est sans doute
pas fortuit. Il estime que le manuscrit "a besoin d'être
réduit au tiers" et que la première
préface au moins doit être entièrement
supprimée. Faute d'un ouvrage conforme à ses
vœux, il craint de "mourir tout entier" (OC, p. 912).
- 29 avril : mort de Bertrand.
Sollicitée par
David d'Angers, la famille (mère, sœur et
frères) ne participera pas aux obsèques le
lendemain ; David d'Angers sera seul à suivre le corbillard.
Quelques semaines plus tard, David rachète à
Renduel le manuscrit de Gaspard
de la Nuit. La vie posthume de Bertrand
commence.
NOTE : la
biographie de
Cargill Sprietsma, Louis
Bertrand (1807-1841) dit Aloysius Bertrand,
qui date de 1926, a vieilli. Pour les activités politiques
de Bertrand en particulier, qui invitent à mettre en
question toute une imagerie
stéréotypée, il est indispensable de
la compléter avec le premier chapitre de l'excellent essai
de l'historien du mouvement social Fernand Rude (Aloysius Bertrand,
Seghers, coll. Poètes d'aujourd'hui, 1971) et la riche
chronologie d'Helen Hart Poggenburg (Œuvres
complètes, Champion, 2000).